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Une résine qui valait de l'or

Introduction

C’est un voyage tout récent à Oman qui me donne l’envie et l’occasion d’écrire un article sur l’encens.

L’encens ou oliban désigne une résine aromatique récoltée sur les arbres à encens du genre Boswellia.

En latin, « incensum » désigne une matière brûlée en sacrifice. L’encens fut et demeure la panacée des religions polythéistes et monothéistes partout dans le monde. Les égyptiens l’utilisaient pour l’embaumement. Dès le VIème siècle, elle sert aux bouddhistes en ralentissant et amplifiant la respiration pour créer l’apaisement propice à la méditation. L’église catholique l’utilise depuis le IVème siècle. L’encens fut offert à l’enfant Jésus en signe de son humanité élevée au rang de la divinité. Actuellement, il brûle dans les encensoirs pour élever à Dieu la prière de l’Eucharistie. Sainte Hildegarde dit que « l’encens a comme l’odeur des vertus, est comme une hostie de louanges ». « Son odeur est très désagréable aux esprits malins ».

La route de l’encens reliait l’Egypte au Yemen et à l’Inde entre le IIIème siècle avant notre ère et le IIème siècle de notre ère. Elle a permis la circulation de bois rares, or, épices, soie, peaux d’animaux. Elle a fait la fortune des pays arabes qui servaient d’intermédiaires. Leur situation géographique le long des routes maritimes par la mer Rouge et la mer d’Arabie, leur offrait une position stratégique indéniable.

Boswellia

Il existe une vingtaine d’espèces de Boswellia : en exemple, Boswellia serrata en Inde, Boswellia carteri en Somalie, Boswellia rivae en Ethiopie, Boswellia sacra à Oman.

J’ai eu la chance d'approcher Boswellia sacra avec tous mes sens, dans la région du Dhofar dont il est probablement originaire. Cette région porte le nom de « Terre de l’encens » et fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. Actuellement, l’arbre est cultivé dans des zones naturelles préservées et son encens est toujours exporté.

En retirant l’écorce qui pèle facilement de l’arbre vieux d’au moins 10 ans, et en incisant le tronc de l’arbre, il s’écoule une sève laiteuse qui coagule au contact de l’air. La résine est récoltée 2 à 3 semaines plus tard. La meilleure résine « frankincense » ou « Al Hojari » est blanche. Elle est récoltée en automne dans les incisions pratiquées durant l’été. Elle peut être utilisée à usage médical. L’autre résine est récoltée au printemps dans les incisions pratiquées durant l’hiver : elle est réservée à la combustion pour purifier et parfumer l’air.

L’encens est l’ingrédient incontournable des parfums d’Orient. Citons la fameuse marque "Amouage", lancée par un nez Français, Guy Robert.

En occident, la résine de l’encens indien (Boswellia serrata) est connue pour être un anti-inflammatoire puissant contre les douleurs rhumatismales et l’inflammation des voies respiratoires et du tube digestif. Rappelons qu’il est toujours souhaitable de calmer une inflammation intestinale avant de restaurer la muqueuse et la flore intestinales. Ce sont les acides boswelliques (acides triterpéniques) qui contrent l'inflammation en inhibant les leucotriènes, médiateurs inflammatoires particulièrement impliqués dans l’asthme. De plus, ces acides favorisent la circulation, contribuant ainsi à améliorer la circulation sanguine dans les tissus enflammés.

Dans une certaine mesure, ces propriétés anti-inflammatoires se retrouvent dans toutes les espèces d’encens.  

Les autres propriétés de la résine sont très avantageuses pour les système digestif et respiratoire : antispasmodique, anti-catarrhale, expectorante, anti-tussive, stimulante du système immunitaire, astringente.

Sur la peau, elle est vulnéraire, antifongique et antibactérienne.

Elle semble aussi stimuler les fonctions intellectuelles, tout en diminuant l’état de stress.

 Utilisation de la résine

-gomme à mâcher

En gomme à mâcher, la résine "Al Hojari" peut être fort utile contre les inflammations buccales et gingivales. Ou tout simplement pour purifier l’haleine.

 -eau de résine

Il est possible aussi de dissoudre quelques larmes de résines "Al Hojari" dans une bouteille d’eau et de boire l’eau pour améliorer le confort digestif. Dans la médecine arabe traditionnelle, cette eau est aussi utilisée contre les défaillances de mémoire, surtout des tempéraments lymphatiques.

« Prenez beaucoup d’oliban, remuez-le dans votre bouche, mâchez-le. Il m’est très aimable de le mâcher parce qu’il épuise totalement la glaire de l’estomac et le nettoie, il renforce la raison et facilite la digestion des aliments. » (L’Imam ar-Ridâ(p) in Bihâr al-anwâr vol. 63 p444 Bâb 24)

 -huile essentielle d'oliban

Elle ne contient pas les acides boswelliques de la résine. Ces molécules sont trop lourdes pour être volatiles. Pour autant, elle garde de très bonnes propriétés respiratoires et digestives. Il semblerait qu’elle puisse aussi limiter la prolifération des cellules cancéreuses. (https://bmccomplementalternmed.biomedcentral.com/articles/10.1186/1472-6882-9-6).  

-huile d’encens 

En faisant macérer la résine dans une huile végétale, on peut l’utiliser en soin sur les peaux sèches ou tout simplement comme parfum. 

Qu’en dit sainte Hildegarde de Bingen ?

Elle évoque l’odeur de la résine pour clarifier les yeux et purger le cerveau, de préférence sans combustion. La nature chaude de la résine tempère les humeurs froides qui engorgent la poitrine et remontent au cerveau. Ainsi, elle conseille de réduire en poudre la résine, d’y mélanger de la farine blanche de blé et du blanc d’œuf, puis de faire sécher les rouleaux de pâte qui en résulte et d’en respirer souvent l’odeur. En cas de migraine, ces rouleaux peuvent être posées sur les tempes, maintenues par un bandage toute la nuit.

Hildegarde conseille la combustion, sans excès, d’encens sur charbon, pour chasser les mauvaises humeurs de la tête et des oreilles qui provoquent une baisse d’audition. Avec la myrrhe, l’encens peut être brûlé en fumigation dans les narines pour en chasser les mauvaises humeurs d’un refroidissement.

Le conseil d'Hildegarde est sage : la combustion de l’encens doit être raisonnée. Elle dégage des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des carbonyles de benzène qui sont classés cancérigènes. En dehors des indications médicales, la combustion doit être faite dans un lieu de grande hauteur (comme les églises) et ventilé.

Sainte Hildegarde évoque aussi les qualités de l’arbre à encens pour ses feuilles et ses écorces utilisées en onguent pour soigner des scrofules et des plaies (action vulnéraire et anti-infectieuse).

Conclusion

L'arbre à encens reste peu exploité en thérapeutique en Occident. C'est surtout l'industrie du parfum qui exhale sa grande valeur. Merci Oman pour la rencontre avec l'arbre qui valait de l'or !

Une résine qui valait de l'or

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